Échos d'Europe

Analyse de Michel Soteu

Photo de Maryna Yazbeck sur Unsplash Analyse de Michel Soteu
Photo de Maryna Yazbeck sur Unsplash

Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Ce mercredi 10 septembre, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a présenté son cinquième discours sur l’État de l’Union devant les députés européens réunis à Strasbourg. Cet exercice politique essentiel est un véritable marqueur du début de l’année parlementaire. Michel Derdevet l’a analysé et commenté pour Confrontations Europe.

Dans votre analyse, vous expliquez que cette année, la Présidente de la Commission s’est écartée de la structure traditionnelle de son discours. En quoi marque-t-il un tournant dans l’orientation du discours sur l’état de l’Union ?

Oui, le Discours sur l’état de l’Union 2025 opère un changement notable dans ses priorités et sa structure. Ursula von der Leyen s’est démarquée des années précédentes en consacrant près des trois-quarts de son intervention à la politique étrangère et à la défense commune.

Sur la guerre dans la bande de Gaza, par exemple, elle adopte une posture plus ferme que dans le passé, critiquant le manque d’unanimité des États membres et proposant des mesures de suspension de certains accords et financements bilatéraux avec Israël. En ce qui concerne la guerre en Ukraine, elle a affirmé le soutien continu de l’Union européenne envers Kiev, et a annoncé le déblocage de fonds provenant des intérêts des actifs russes gelés afin de soutenir les forces armées ukrainiennes.

Elle a également exprimé son soutien à des réformes institutionnelles en proposant le remplacement de l’unanimité par la majorité qualifiée dans certains domaines, notamment la politique étrangère.

Elle s’est aussi justifiée sur l’accord commercial signé avec les États-Unis en juillet, très controversé au sein du Parlement.

Outre la politique étrangère, quelles sont selon vous les propositions les plus significatives mises en avant dans ce discours ?

Les enjeux industriels et de compétitivité représentent également une part importante du discours. L’évocation à plusieurs reprises du rapport Letta d’avril 2024 témoigne d’une volonté de repenser la compétitivité européenne et de dynamiser l’économie du continent. Dans cette optique, la Présidente de la Commission a annoncé une feuille de route sur le marché unique pour 2028 qui devrai traiter de l’Union de l’épargne et des investissements, des services, de l’énergie, des télécoms, et de ce que le rapport Letta qualifie de « cinquième liberté » pour le savoir et l’innovation. De même, elle s’inspire du rapport Draghi sur la compétitivité en annonçant l’implémentation d’un critère « Made in Europe » dans les procédures de passation des marchés public.

Elle a également présenté l’initiative « Petites voitures abordables » pour favoriser l’accès des citoyens aux véhicules électriques, et un projet « d’autoroutes énergétiques » identifiant des goulets d’étranglement dans les infrastructures européennes et visant à y remédier.

Le discours a été significativement marqué par des interruptions et interpellations de la part de députés. Quelles défis internes ce discours met-il en évidence concernant le Parlement européen ?

Oui, plusieurs des annonces de la présidente de la Commission ont été accueillies par des interpellations de députés, surtout d’extrême-droite. C’est un fait assez rare au sein du Parlement européen. Ces interventions visaient des annonces symboliques : les voitures électriques abordables, la conditionnalité des fonds européens au respect de l’état de droit ou encore le souhait d’une suspension partielle de l’accord d’association avec Israël.

Associées aux interventions des présidents de groupes parlementaires, ces remarques témoignent d’un creusement inquiétant des fractures entre les grands blocs du Parlement, pourtant loué pour sa capacité historique à dégager du compromis. En effet, la coalition traditionnelle, composée de S&D, Renew, Green & PPE, semble en difficulté.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.