Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe détaille dans cette chronique 30 propositions de 30 auteur·ices issues du livre "30 idées pour 2030" pour aborder autrement les élections européennes prochaines. Sur euradio.
Dans le chapitre 4 du livre « 30 idées pour 2030 », nous revenons avec Jacques Maire, vice-président de Confrontations Europe, Commissaire général pour la France de l’Exposition universelle Osaka 2025, sur la capacité de l’UE à répondre aux bouleversements géopolitiques de ces quatre dernières années, et sur la nécessité d’une Europe qui se différencie sur la scène internationale, notamment grâce à l’affirmation de son modèle économique et social.
En quoi la vision européenne de sa place dans le monde a-t-elle évoluée depuis l’invasion russe de l’Ukraine ?
Eh bien, dans les faits, cette agression russe a confirmé, s’il en était encore besoin, une réalité sous-jacente : l'ordre international est confronté à l’affirmation de nouveaux acteurs et à la formation de nouvelles coalitions d'intérêts telles que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, mais aussi depuis janvier 2024 l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Egypte, les Emirats arabes unis et l’Ethiopie). Cela, nous le pressentions déjà auparavant. Cependant, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait l’effet d’un électrochoc européen et a signifié pour l’Europe le besoin de repenser et d'agir sur sa conception du monde, tout spécialement en matière de défense et de sécurité. Pour l’Allemagne, cela a signifié une prise de conscience que les liens économiques ne peuvent suffire à empêcher les guerres et la France a également dû revoir sa conception d’une Europe souveraine. C’est donc un nouveau regard que l’Europe porte sur les relations internationales et sur ses frontières, un regard que l’on qualifie de plus en plus réaliste. C’est également le besoin plus que jamais de conserver une voix unie malgré l’hétérogénéité des positions et des perspectives entre États membres.
Avez-vous un exemple de ce positionnement européen vis-à-vis de ses frontières ?
Oui. Bien sûr. Par exemple concernant l’évolution de la question de l’élargissement. Désormais, l’Europe regarde vers l’Est, en accélérant le processus d’entrée dans l’Union de l’Ukraine et de la Moldavie. Ces adhésions s’imposent de notre point de vue ; nous sommes à Confrontations Europe en faveur de l’adhésion des Balkans et de l’Ukraine, tout en maintenant des conditions exigeantes pour ne pas déstabiliser les Etats déjà membres ; mais il est de commun accord que l’Europe doit proposer une perspective réellement mobilisatrice pour ces pays qui ne peuvent continuer à être le terrain géopolitique d’une Russie qui bafoue au quotidien les valeurs fondamentales de liberté et de démocratie si chère au projet européen.
Alors que l’on constate une fragmentation des rapports de force internationaux et que l’UE s’est fondée sur l’idée même du multilatéralisme, peut-on être optimiste sur la capacité de l’Europe à faire entendre sa voix comme un acteur international qui soit reconnu par les autres puissances ?
C’est ce que nous soulignons justement dans notre livre. Nous devons considérer notre plus grande force, celle qui nous différencie des autres puissances mondiales. Le multilatéralisme n’est pas mort, ce qui est en question c’est la domination occidentale qui a prévalu après 1945. Dans cette restructuration multipolaire du monde, l’Union européenne est dotée d’un modèle économique et social unique : nous restons aujourd’hui, en 2024, le continent au niveau de vie le plus élevé, à l'égalité hommes-femmes la plus avancée, le plus engagé concernant l'aide au développement et sur les questions climatiques... et c’est cela que nous devons faire valoir dans les instances internationales. Pour cela, il nous faut de manière active continuer de développer notre leadership sur ces questions, et promouvoir activement une coopération sur des défis communs au niveau planétaire : numérique, climat, droits humains...
Et quelles perspectives à l’aune des prochaines élections ?
Pour cela, nous devons faire en sorte que ce modèle économique et social soit en phase avec une démocratie efficace, nourri par des débats politiques qui opposent des choix rationnels, fondés sur l’analyse et ne reniant pas la science. Or, la dérive populiste est bien un redoutable défi pour avancer vers une vision d’avenir.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron