Nous retrouvons Anna Creti, professeure d'économie à l'Université Paris Dauphine et Directrice scientifique de la chaire économie du gaz naturel et de la chaire Economie du climat.
Nous avions déjà parlé fin février du rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) qui présentait les défis de l’adaptation. Un nouveau volet a été publié début Avril. De quoi s’agit-il ?
Alors que le rapport précédent se concentrait sur le « vivre avec » le changement climatique, le GIEC propose une vision sur l’atténuation, soit comment « vivre sans » le changement climatique, l’ensemble des actions qu’il faut mener pour empêcher des niveaux de réchauffement supérieurs à 1.5 degrés. Encore une fois, un travail impressionnant, basé sur les données scientifiques les plus récentes, qui fournit un état des lieux actualisé sur les tendances des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, les progrès dans la réduction de ces émissions, les transformations requises pour limiter le réchauffement climatique, les liens avec les autres politiques et les moyens à disposition pour renforcer les mesures de réponse. Il est important de commencer par un premier constat, très lourd. Après avoir analysé 18 000 articles scientifiques, le GIEC affirme la nécessité d’une action drastique, immédiate et mondiale pour éviter de dépasser la limite de réchauffement de 1,5 (avec 50 % de chances) ou 2 °C (avec 66 % de chances), à laquelle fait référence l’Accord de Paris. Si on continue sans rien faire, le monde se dirige vers un réchauffement compris entre 2,2 et 3,5 °C à l’horizon 2100.
Au-delà du constat, en effet très inquiétant, quel est le rôle de l’atténuation ?
Il est important de souligner que ce rapport a analysé les solutions pour sortir de l’impasse, même si après les choix reviennent à la sphère politique. Les discussions deviennent toujours plus complexe quand il s’agit de parler des « mesures ». D’ailleurs la sortie du rapport a été retardé, deux jours de discussion supplémentaire ont été nécessaires. L’atténuation se décline en différents volets d’action, des solutions réalistes et réalisables. Avec un message fort : limiter le réchauffement climatique à 2°C est plus avantageux économiquement, socialement et environnementalement que de ne pas agir, car les bénéfices surpassent les coûts de l’inaction.
Quelles sont ces solutions d’atténuation ?
Energie, bâtiments, systèmes urbains, industrie, agriculture : tout y passe. Des solutions existent et cela va bien au delà de l’usage des énergies renouvelables. Efficacité énergétique, économie circulaire, électrification des transports, capture et stickage du carbone : tous ces leviers sont analysés et leur potentiel d’atténuation évalué et quantifié.
On a beaucoup parlé de l’horizon 2025 : pourquoi ?
Selon les modèles, les émissions doivent décliner avant 2025 afin de maintenir le réchauffement sous le seuil de 1,5 ou 2 °C, impliquant une action immédiate et des réductions profondes au cours des prochaines décennies. Sans un renforcement des politiques, les émissions de GES continueront à augmenter au-delà de 2025, menant à un réchauffement compris entre 2,2 et 3,5 °C (valeur médiane : 3,2 °C) en 2100. Ce message est interprété comme : nous avons trois ans pour agir. Mais c’est faux. Il faut lite : si on s’engage maintenant, aujourd’hui, tout de suite, et on fait tout le possible, dans trois ans on inversera la tendance. Donc on n’a pas trois ans pour agir, on a…zéro minutes sur le compteur du changement climatique.
La question qui fâche : en tant que citoyens, que pouvons-nous faire ?
Pour la première fois, le GIEC s’exprime sur les comportements et les questions sociétales. Les changements de comportements individuels passent par différentes actions du quotidien : moins de voiture individuelle, réduction de l’usage de l’avion, ajustement des points de chauffage et de climatisation, réduction de la consommation de viande, utilisation des transports publics, etc. Méthodes simples et efficaces. En un mot : sobriété. Mot clé utilisé par la première fois par le GIEC.
Anna Creti est Professeure d’économie à l'Université de Paris Dauphine-PSL, Directrice scientifique de la Chaire Économie du Gaz Naturel et de la Chaire Économie du Climat, qui développe des programmes de recherche autour de l’économie du changement climatique.
Anna Creti au micro de Laurence Aubron