Comme chaque semaine, nous retrouvons Olivier, directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe pour sa carte blanche sur la Présidence française de l'Union européenne.
Olivier Costa, vous êtes directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe. Vous nous accompagnerez pendant toute la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Nous revenons avec vous sur la controverse du drapeau...
Pour célébrer le début de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, un immense drapeau étoilé a été accroché le 1er janvier sous l'Arc de Triomphe. Sa présence a été vivement dénoncée par les eurosceptiques, qui ont estimé qu'un drapeau "étranger" n'avait pas sa place au-dessus de la tombe du soldat inconnu ; mais aussi par tous ceux qui regrettaient qu'un drapeau français ne soit pas installé conjointement, et considéraient que ce pavoisement purement européen était contraire à la loi.
Mais est-ce vraiment important ?
Cette controverse est typique des non-événements qui animent chaque jour la sphère politico-médiatique en France. Elle ne présente pas un grand intérêt, mais est révélatrice d'une évolution de fond de l'attitude d'une marge partie des responsables politiques français à l'égard de l'intégration européenne, et plus largement du reste du monde. Désormais, on estime que la France éternelle est mise en péril par la simple présence d'un drapeau européen. A entendre nombre de candidats à la présidence de la République, pavoiser l'Arc de Triomphe aux couleurs de l'Europe, ce serait mettre un genou à terre face aux eurocrates et renoncer à toute souveraineté.
Vous voulez dire que tout ça est risible ?
On pourrait rire de cette allergie subite au drapeau européen, mais elle me semble assez inquiétante. Car, si certains y voient le signe d'une France qui se rebelle, qui relève enfin la tête face aux contraintes de l'intégration européenne et de la mondialisation, j'y vois plutôt une crispation nationaliste similaire à celles que l'on connaît depuis quelques années dans la Pologne de Duda, la Hongrie d'Orban, le Royaume-Uni de Johnson, la Turquie d'Erdogan ou encore la Russie de Poutine.
Dans tous ces pays, les leaders invoquent la grandeur de la nation et prétendent la défendre contre un ennemi extérieur - qu'il s'agisse de l'Union européenne, de l'OTAN ou de l'Occident. Tous ces pays sont les victimes d'une rhétorique identitaire auto-réalisatrice : une lutte absurde contre un ennemi imaginaire, réputé vouloir le déclin de la Grande Nation, lutte qui provoque ce déclin en déclassant ou en poussant à l'exil les citoyens les plus capables, en organisant un repli national aux effets délétères, et en commandant des politiques publiques absurdes.
Mais l'euroscepticisme, ce n'est pas nouveau en France...
Ce discours n'est pas nouveau en France s'agissant des partis situés aux confins du spectre politique. Mais des candidats de partis de gouvernement leur emboîtent désormais le pas, et feignent de considérer que la souveraineté nationale serait mise en péril par l'accrochage d'un drapeau.
Pendant ce temps, en Belgique, les Arcades du Cinquantenaire, monument érigé pour célébrer l'indépendance du pays, sont illuminées en bleu-blanc-rouge, pour célébrer le début de la présidence française, sans que personne n'y trouve à redire.
Olivier Costa au micro de Laurence Aubron