L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Aujourd’hui on parle de défense européenne. Que peut faire concrètement l’Union européenne ou l’OTAN face à aux drones qui survolent l’espace aérien ?
Le problème de ces drones non identifiés, c’est qu’ils brouillent totalement les pistes. Techniquement, ils n’ont pas de transpondeurs, donc on ne peut pas savoir d’où ils viennent ni qui les pilote. Et c’est justement le but : semer le doute, tester les réactions, et faire pression sans déclencher de guerre ouverte. C’est une spécialité de la guerre hybride.
Pourquoi ne pas les abattre sur le champ ?
Parce que le coût économique d’un tir est absurde. Un missile pour abattre un drone coûte autour de 800 000 à 1 million d’euros, alors que le drone peut couter 10, 15 ou 20 000 euros. Donc, économiquement, c’est totalement déséquilibré. Mais politiquement, ne rien faire serait pire : laisser un drone étranger traverser votre territoire, c’est laisser penser que vous avez perdu le contrôle de votre espace aérien. C’est pourquoi les États préfèrent agir, quitte à y laisser des millions : le coût politique est plus lourd que le coût économique.
On parle beaucoup de coordination européenne sur ces sujets. Est-ce que l’Europe a vraiment les moyens de se défendre seule ?
Alors, oui et non. Si on regarde les chiffres, l’Europe n’est pas en retard, loin de là. En 2024, les pays de l’Union ont dépensé plus de 318 milliards d’euros pour leur défense. C’est deux fois plus que la Russie, et même plus que la Chine. Sur le papier, l’Europe, c’est la deuxième puissance militaire mondiale.
Mais alors pourquoi dit-on qu’elle serait incapable de se défendre sans les États-Unis ?
Parce que tout est dispersé. On a 27 armées différentes, 10 modèles d’avions, 30 modèles de chars, des chaînes logistiques qui ne se parlent pas, et aucun commandement unique. C’est comme si les États-Unis avaient 50 armées d’États différents : tout le monde dépense, mais personne ne coordonne. Résultat : beaucoup de moyens, mais peu d’efficacité.
Et pourtant, il y a bien des projets communs, non ?
Oui, et ça bouge. Les Européens travaillent sur un mur anti-drones, un bouclier spatial et un système de défense aérienne commun. L’idée, c’est d’être capables de détecter, suivre et neutraliser ces menaces sans dépendre des Américains. Mais il faut être honnête : sans un vrai commandement commun, sans “tête”, l’Europe reste un corps puissant… mais désordonné. Et face à des menaces hybrides comme les drones, c’est précisément ce qui fait la différence entre une réaction rapide et une simple réunion d’urgence.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.