Échos d'Europe

L’Europe, un leader affirmé dans la transition verte

© European Union, 2025 -  EC - Audiovisual Service (Portrait de   Kurt Vandenberghe) L’Europe, un leader affirmé dans la transition verte
© European Union, 2025 - EC - Audiovisual Service (Portrait de Kurt Vandenberghe)

Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Dans notre dernière revue, Confrontations Europe a publié un article intitulé « L’Europe un leader affirmé dans la transition verte », rédigé par Kurt Vandenberghe, Directeur général de la Direction générale de l’action pour le climat à la Commission européenne. Ce texte défend l’idée que la transition écologique est un moteur de croissance, en proposant une feuille de route concrète où ambition climatique, résilience économique et innovation industrielle se renforcent mutuellement.

Cette semaine, vous revenez pour nous sur un article important publié dans la revue Confrontations Europe, signé par Kurt Vandenberghe, Directeur général de la Direction générale de l’action pour le climat à la Commission européenne. Quel est l’enjeu d’une telle contribution ?

Ce texte est, à mon sens, un rappel stratégique. À l’heure où la transition écologique est parfois perçue comme un frein à la compétitivité, Kurt Vandenberghe pose une thèse claire : la transition verte est non seulement compatible avec la croissance, mais elle en est le levier. Il défend une vision dans laquelle l’Europe, déjà pionnière en matière climatique, doit maintenant confirmer son rôle de leader, en s’appuyant sur un socle industriel solide et une gouvernance climatique structurée.

Son article met en lumière les liens étroits entre politiques climatiques ambitieuses, résilience économique et innovation industrielle. Ce n’est pas un discours d’intention, mais une feuille de route concrète, qui articule mécanismes de marché, financement durable, réforme du cadre réglementaire et justice territoriale.

En quoi l’Europe peut-elle se prévaloir aujourd’hui d’un véritable leadership climatique mondial ?

D’abord parce qu’elle agit. Kurt Vandenberghe rappelle que l’Union a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 37 % en trente ans, tout en maintenant sa croissance économique. Ce n’est pas rien. Le marché du carbone européen est l’outil central de cette performance. Il récompense les entreprises qui produisent plus propre, tout en réinjectant les revenus dans les énergies renouvelables, l’innovation bas carbone ou encore les technologies de captage du carbone.

Mais le leadership européen ne se limite pas à l’interne. L’Europe agit aussi sur la scène internationale : elle promeut des politiques climatiques fondées sur le marché, comme la tarification du carbone, et soutient des standards alignés avec l’Accord de Paris. C’est une forme de diplomatie climatique, avec une ambition assumée : faire école à l’échelle mondiale.

Au-delà des ambitions, quels outils concrets sont aujourd’hui mis en œuvre pour articuler transition verte et compétitivité industrielle ?

L’article est très clair sur ce point : il y a une vision, mais aussi des instruments solides. Le Pacte industriel vert européen sert de cadre général. Il vise à faire de l’Europe la destination privilégiée pour les investissements verts, en soutenant les industries intensives en énergie et les fabricants de technologies propres.

Plusieurs initiatives sont déjà en place ou à venir : un Fonds pour l’innovation renforcé, un projet de Banque de la décarbonation industrielle dotée de 100 milliards d’euros sur dix ans, mais aussi un plan d’action pour une énergie abordable. Ce dernier mise sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables pour alléger la facture : jusqu’à 260 milliards d’euros d’économies annuelles d’ici 2040 sont attendus. L’objectif est double : réduire notre dépendance aux importations fossiles et garantir des prix compétitifs pour nos entreprises.

Une condition de réussite semble néanmoins cruciale : le financement. Comment l’Union européenne entend-elle assurer la soutenabilité de ces investissements dans la durée ?

C’est en effet un pilier central. Le financement de la transition ne peut pas reposer uniquement sur les fonds publics. C’est pourquoi l’UE cherche à mobiliser massivement l’investissement privé. Elle le fait en adaptant son cadre réglementaire : allégement des charges administratives, révision des règles de reporting durable via la directive CSRD, et simplification de la taxonomie verte.

Kurt Vandenberghe précise que l’objectif est de réduire la charge administrative de 25 % pour les entreprises, et de 35 % pour les PME. On retrouve ici une cohérence avec ce qu’on appelle l’intelligence réglementaire : moins de paperasse inutile, plus de lisibilité pour les investisseurs, et une concentration des obligations sur les grands acteurs ayant le plus d’impact environnemental.

Autre exemple intéressant : la réforme du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui exonère 90 % des importateurs – souvent des PME – tout en couvrant 99 % des émissions concernées. C’est un équilibre subtil entre ambition climatique et compétitivité.

Peut-on dire que ce modèle européen de transition verte est aujourd’hui crédible à l’échelle mondiale ?

Absolument. L’Europe ne se contente pas de viser la neutralité carbone à l’horizon 2050, elle prend déjà date pour 2040, avec une proposition en cours visant une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre. C’est un signal fort, à la fois pour les citoyens, les entreprises et nos partenaires internationaux.

Kurt Vandenberghe rappelle également que le grand défi, c’est l’exécution. Pour maintenir ce leadership, il faudra tenir ce cap malgré les résistances, accompagner équitablement les régions et les secteurs les plus exposés, et veiller à ne pas opposer écologie et croissance. Ce modèle, fondé sur la cohésion, l’innovation, la justice sociale et la souveraineté énergétique, peut devenir une référence mondiale à condition de rester lisible, cohérent et politiquement soutenu.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.