Surréalisantes

Surréalisantes #18 - Dorothea Tanning

© Man Ray  Dorothea Tanning, 1948 Surréalisantes #18 - Dorothea Tanning
© Man Ray Dorothea Tanning, 1948

Retrouvez chaque semaine Zoé Neboit avec sa chronique Surréalisantes sur euradio pour découvrir le portrait d'une artiste surréaliste.

Aujourd’hui, vous dérogez à la règle et nous emmenez aux États-Unis

Oui car c’était difficile de ne pas parler dans cette chronique de la merveilleuse Dorothea Tanning : écrivaine, peintre et sculptrice américaine à la carrière longue de 70 ans. Fille d’immigrés suédois, elle naît le 25 août 1910 à Galesburg dans l’Illinois où, écrira-t-elle, « rien ne se passe, sauf le papier peint ». Plongée dans les livres, elle s’imagine écrivaine. En 1932 à 22 ans, elle va à Chicago étudier la peinture. Autodidacte, elle ne reste que 3 semaines. Attirée par la ville qui ne dort jamais, elle déménage à New York et gagne sa vie en dessinant des affiches publicitaires tout en développant un univers à elle dans la peinture.

C’est là, très loin de l’Europe, qu’elle découvre le surréalisme

Au gré de l’exposition « Fantastic Art, Dada, surrealism » au Musée d’art moderne en 1936. « Voilà le monde aux facettes infinies que j’ai dû attendre », écrira-t-elle dans ses mémoires. Alors que la Seconde Guerre mondiale éclate en Europe, de nombreux artistes fuient aux États-Unis. Autour d’André Breton, ils fondent le groupe surréaliste à New York, que Dorothea commence à fréquenter de loin. En 1942 lors d’une fête, elle rencontre Max Ernst, arrivé depuis peu en Amérique grâce à l’aide de son épouse, la mécène Peggy Guggenheim.

Le peintre allemand découvre son travail et, subjugué, convainc sa femme d’inclure le tableau Birthday à l’exposition 31 Women

Cette exposition, la première dans l’histoire consacré aux femmes artistes, propulse le nom de Dorothea Tanning. Birthday, « Anniversaire », en anglais est encore considéré aujourd’hui comme son chef-d’œuvre. Il s’agit d’un autoportrait onirique, où la peintre vêtue de tissus végétaux se tient devant une embrasure infinie de portes ouvertes. À ses pieds, une créature chimérique. Comme une métaphore des infinies possibilités de la vie qui s’ouvrent devant la jeune femme. Peu de temps après, Max Ernst et elle tombent amoureux.

Après leur mariage en 1946, ils déménagent à Sedona, en Arizona

Elle dira « on pourrait presque couper ma vie en deux : avant et après Sedona. » Avec Ernst, ils construisent une maison très rudimentaire en bois, sans eau courante et sans chauffage. Là-bas, ils se consacrent entièrement à la peinture. Cette époque est prolifique pour Dorothea qui développe des motifs récurrents : les portes, les tournesols (seules fleurs poussant en Arizona) et les petites filles, dans des univers issus de ses propres rêves. Après trois ans dans le désert, où ils recevaient quand même la visite de leurs nombreux amis, ils fuient le Maccartisme et déménagent en France.

À Paris, où Ernst a vécu et s’est rendu célèbre, Dorothea veut faire sa place

« Pour moi, une artiste vivant dans l’ombre d’un grand homme, c’était crucial », expliquera-t-elle. Alors que ses toiles étaient jusqu’ici des compositions oniriques très imagées, sa peinture devient tout d’un coup presque entièrement abstraite. « Mes toiles ont littéralement éclaté… J’ai brisé le miroir, comme on pourrait dire. » Cette mue en fait l’une des artistes les plus originales du surréalisme. Ernst, qui avait 19 ans de plus qu’elle, décède en 1976, mais Tanning poursuit son voyage vers l’abstraction via la sculpture, la poésie et l’écriture pendant encore quatre décennies. Celle qui peignait les rêves meurt le 31 janvier 2012 à New York, dans son sommeil à 101 ans. Dans une interview en 1970, elle dira de son art qu’il était un moyen de « fixer l'instant, de l'accepter avec toutes ses identités complexes ».

Sources :

Aparences.net, « Les femmes du surréalisme : Dorothea Tanning », https://www.aparences.net/thematiques/les-femmes-du-surrealisme/dorothea-tanning/

Barnebys Magazine, « Dorothea Tanning. Si les rêves pouvaient parler », https://www.barnebys.fr/blog/dorothea-tanning--si-les-reves-pouvaient-parler

Chaîne youtube du Tate, « Dorothea Tanning – Pushing the Boundaries of Surrealism », TateShots, https://www.youtube.com/watch?v=92LvYigLMLc

Universalis.fr, “Dorothea Tanning », https://www.universalis.fr/encyclopedie/dorothea-tanning/

Yasna Bozhkova, « « Dorothea Tanning, le modernisme et l’avant-garde transatlantique » », Transatlantica [En ligne], 1 | 2018, mis en ligne le 30 septembre 2019, consulté le 26 mai 2024. URL : http://journals.openedition.org/transatlantica/11466

Un entretien de Laurence Aubron