Euan Walker est chargé de missions internationales à Mines Paris – PSL et assistant de recherche et d’enseignement à l’ESSEC. Diplômé en histoire et en sciences politiques de Durham University et de la Ruprecht-Karls Universität Heidelberg, il poursuit actuellement un master en économie et politique publique à l'ESCP. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
Cette semaine, Euan Walker et Laurence Aubron discutent des exercices militaires actuels de l'OTAN dans les Balkans et des ambitions de la Moldavie en matière d'alliances internationales.
Pour en revenir à l'actualité européenne de la semaine, plusieurs pays des Balkans et de l'UE procèdent actuellement à des exercices militaires...
En effet, l'exercice militaire "Immediate Response 23" de l’OTAN se déroule dans plusieurs pays des Balkans, dont l'Albanie, la Bulgarie, la Croatie, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Slovénie. Cet exercice implique environ 9 800 soldat·es, dont 7 000 des pays cités ainsi que 2 800 des États-Unis. En fin de compte, l'objectif de cet exercice est de démontrer la capacité de l'OTAN à résister à l'agression russe. Comme nos auditeur·rices auront déjà constaté, l'agression de la Russie contre l'Ukraine a renforcé l'importance de l'adhésion à l'OTAN pour les Balkans - sauf la Serbie -. Cet exercice apparaît comme affirmant le rejet de toute tentative de rétablissement de la sphère d'influence impérialiste russe. L'ambassadeur américain au Kosovo a d'ailleurs souligné l'importance de l'exercice pour rassurer les alliés et partenaires de l'OTAN face à l'agression russe. Se faisant, l'exercice se poursuivra jusqu'au 2 juin.
Dans cette logique, l'adhésion à l'OTAN est-elle la seule stratégie poursuivie par les pays voisins de la Russie dans l'espoir de dissuader toute invasion ?
L’OTAN mise à part, on retrouve une dynamique similaire dans les demandes d'adhésion à l'Union européenne, plus particulièrement de la part de l'Ukraine, mais aussi de la part de la Moldavie. En effet, la présidente moldave, Maia Sandu, a déclaré plusieurs fois être inquiétée de la proximité du pays avec la Russie à la suite de l'invasion de l'Ukraine voisine en février 2022. De plus, comme nous l'avons évoqué en février, Mme Sandu a déjà fait part de ses craintes que des agents d'influence russes cherchent à déstabiliser le pays, renverser le gouvernement actuel et, par conséquent, aboutir à sa réintégration dans la sphère d'influence de la Russie. À ce titre, Mme Sandu a souligné la nécessité pour la Moldavie de se protéger et a déclaré que l'adhésion à l'UE était le seul moyen de sauvegarder sa démocratie. Par conséquent, la présidente espère qu'une décision sur l'ouverture des négociations d'adhésion à l'UE sera prise dans les prochains mois.
En ce qui concerne la Moldavie, quelle est la probabilité que ses demandes d’adhésion à l'Union européenne se matérialisent ?
Bien que le statut de candidat ait été accordé à la Moldavie le 23 juin 2022, des obstacles tels que la fragilité économique, les problèmes de corruption et la région sécessionniste de Transnistrie, qui est pro-russe, posent des défis à l'adhésion de la Moldavie à l'Union européenne. En attendant, la Moldavie considère sa participation à la Communauté politique européenne comme une garantie de sécurité. En effet, la Communauté politique européenne, créée il y a un peu moins d'un an, cherche à agir comme une institution parallèle à l'UE et au Conseil de l'Europe rassemblant les dirigeants des pays européens pour affirmer leur unité face à l'agression russe et tiendra notamment son prochain sommet en Moldavie le 1er juin 2023, plaçant ainsi potentiellement sous les feux de la rampe les demandes de Mme Sandu.
Et qu’en-est il de l’adhésion de la Moldavie à l’OTAN ?
En ce qui concerne l'OTAN, la question est plus complexe, car l'article 11 de la constitution Moldave exige que la nation maintienne sa neutralité géopolitique – ce qui irait à l’encontre de son adhésion à l’alliance militaire. Toutefois, cette même constitution offre la possibilité à la Moldavie, si le peuple le demande, de former un État commun avec son État sœur, la Roumanie, un pays avec lequel elle partage des racines historiques et linguistiques bien ancrées. Grâce à cette unification, la Moldavie deviendrait de facto membre de l'Union européenne et de l'OTAN, réalisant ainsi ses espoirs de se protéger contre toute future agression russe. Si un tel scénario reste difficile à concevoir à court terme, il ne peut être totalement exclu, car l'année écoulée nous a montré la rapidité avec laquelle la géopolitique européenne peut changer de visage - à l'instar des pays des Balkans qui révisent actuellement leurs stratégies de politique étrangère, nous devons également privilégier la prospective stratégique plutôt que d'espérer le maintien du statu quo.
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Entretien réalisé par Laurence Aubron.