L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Kollar Gate : les sanctions à l’égard de la Hongrie en faveur de l’opposition

Kollar Gate : les sanctions à l’égard de la Hongrie en faveur de l’opposition

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’état de droit c’est une justice qui s’applique aux décideurs politiques même s’ils sont populaires, mais on a vu avec la condamnation du Front national que ces responsables font preuve d’une inversion accusatoire et on tourne en rond.

En effet Laurence, on tourne en rond. A quelques mois des élections législatives en Hongrie, le parti eurosceptique au pouvoir Fidesz serait victime d’un complot pour lui nuire.

Dans ce cas, c’est le gel des subventions européennes pour non conformité aux exigences de l’Etat de droit qui serait à l’origine des difficultés économiques de la Hongrie, et causerait du tort à son Premier ministre Viktor Orban.

C’est un discours qui a pris de l’ampleur ces derniers jours. L’objectif de cette mise en difficulté, et donc l’objectif de ces sanctions, serait de favoriser son opposant Péter Magyar.

Ce « Kollar Gate » c’est une audition au Parlement européen de l’eurodéputée Kinga Kollar, du parti Tisza de Péter Magyar, qui explique que le gel des fonds européens pour violations de l’État de droit a été très efficace et que la détérioration du niveau de vie des Hongrois a renforcé l’opposition.

Oui, Kinga Kollar se dit même très optimiste pour les élections de 2026. Cette maladresse est donc comprise comme suit : le parti Tisza se réjouit de la détérioration du niveau de vie des Hongrois car elle promet de bons résultats électoraux. Le Fidesz dénonce donc une conspiration entre Bruxelles et le parti Tisza contre les Hongrois.

Donc l’Union européenne ruinerait l’économie hongroise pour renverser Viktor Orban.

Et plus encore, servir les ambitions bellicistes de Bruxelles qui a donc, avec son mécanisme de conditionnalité d’avril 2022, gelé 20 milliards d’euros dont 1 milliard a été définitivement perdu fin 2024. Ils dénoncent une vengeance, une coercition politique pour avoir dévié du dogme libéral wokiste.

En conséquence, les manifestations contre l’interdiction de la gay pride à Budapest sont considérées comme des tentatives de déstabiliser le pouvoir poussées par Bruxelles.

Tout comme à Belgrade, on l’a vu. Pour la Hongrie, Etat membre de l’UE, la question qui se pose est donc de savoir si l’Union est un “simple” mécanisme de redistribution des cotisations en subventions.

Rappelons que personne n’a obligé la Hongrie à adhérer.

Ou si l’Union doit fermement montrer que son action va plus loin avec des exigences élevées de ce que l’on doit comprendre de l’Etat de droit européen et la fermeté qui en découle. Ce qui est compliqué pour les opposants hongrois, c’est qu’ils soutiennent les sanctions pour affaiblir un régime eurosceptique qu’ils jugent corrompu mais cela peut sembler se faire au risque de mettre en difficulté la population qu’ils veulent convaincre.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.