L'édito européen de Quentin Dickinson

L'édito européen de Quentin Dickinson

European Union, 2024 L'édito européen de Quentin Dickinson
European Union, 2024

Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.

Cette semaine, Quentin Dickinson, vous voulez faire un gros-plan sur un personnage d’envergure, c’est cela ?...

…et ce personnage, c’est Sir Keir STARMER, depuis 2014 élevé à la dignité de Chevalier-commandeur du très-honorable Ordre du Bain. Depuis la victoire retentissante du Parti travailliste qu’il dirige aux élections législatives du 4 juillet dernier, le voici Premier ministre du Gouvernement de SM britannique et Premier Lord du Trésor.

…et que peut-on dire de cette éminente personne ?...

Situons d’abord son entrée en scène. C’est en effet peu dire que les électeurs britanniques attendaient avec impatience la fin des quatorze années de gestion confuse aux conséquences désastreuses des cinq chefs de gouvernement conservateurs qui s’étaient succédés au cours de cette période.

De même, les capitales de l’Union européenne voyaient avec satisfaction enfin émerger un interlocuteur britannique ni fantasque, ni aveuglé par l’idéologie. Ce juriste tranquille, ancien Procureur général d’Angleterre et du Pays de Galles, paraissait offrir toutes les garanties de sérieux.

Donc, très attendu, M. STARMER démarrait en bénéficiant d’une attente bienveillante en Europe. Mais ici à BRUXELLES, on commence déjà à déchanter.

Comment cela ? La lune de miel est-elle déjà terminée ?...

C’est qu’on ne comprend pas bien pourquoi le social-démocrate qu’est M. STARMER est allé à ROME tresser des louanges à Mme Giorgia MELONI, chef d’un gouvernement situé largement à droite, en particulier s’agissant de l’actuelle politique italienne de gestion de l’immigration.

On se souvient que feu le gouvernement conservateur britannique avait péniblement échafaudé un système d’envoi des immigrés clandestins vers le Rwanda, décrié par les Travaillistes, Keir STARMER le premier. Et, dès son arrivée au 10, Downing Street, M. STARMER a officiellement abandonné ledit système, qui, de retards administratifs en procédures contentieuses, aura coûté au contribuable britannique la bagatelle de 700 millions de Livres sterling. Seuls quatre migrants auront été expédiés au Rwanda.

Dans ces conditions, on ne peut que s’interroger sur l’intérêt déclaré de M. STARMER pour le plan italien de renvoi des immigrés vers l’Albanie, auquel il envisage d’associer le Royaume-Uni.

Mais il n’y a pas que cela, Quentin Dickinson…

Vous avez raison. M. STARMER s’est également rendu en France et en Allemagne, où il a plaidé pour une remise à zéro des relations de LONDRES avec l’Union européenne et un nouveau départ fondé sur le bon sens et les intérêts partagés.

Mais, sitôt rentré en Angleterre, voilà notre homme qui déclare devant la Chambre des Communes qu’il ne saurait être question que le Royaume-Uni en revienne à s’intégrer au Marché unique européen ni à lever le contrôle strict des personnes aux frontières britanniques. De même, en dépit des protestations des universités et des mouvements étudiants, M. STARMER rejette l’idée qu’ils rejoignent le système ERASMUS d’échanges d’étudiants.

Comment expliquer ces contradictions ?...

Il faut se souvenir que le Parti travailliste était (et reste) très divisé entre pro-Brexit et anti-Brexit, et que Keir STARMER doit gérer ses troupes, quelque peu grisées par leur succès électoral, autant que par leur inexpérience de l’exercice du pouvoir. Et les syndicats britanniques, qui financent le Parti, se montrent ambigus sur les relations avec l’UE.

L’attitude tâtonnante de M. STARMER est d’autant plus incompréhensible que les sondages sont depuis plusieurs années unanimes à démontrer qu’une forte majorité de Britanniques estiment que le Brexit était manifestement une erreur, dont les consommateurs et les entreprises paient aujourd’hui le prix.

Alors, il serait dommage de gaspiller le volant de sympathie dont dispose encore M. STARMER auprès des dirigeants des pays de l’UE. Les syndicats, ce n’est pas le Parti, et le Parti n’est pas le gouvernement – un peu de courage, Sir Keir, vous n’êtes plus dans l’opposition !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.