Cette
semaine, vous vous arrêtez sur la trajectoire et la personnalité
d’un homme…
Et l’homme s’appelle Elon MUSK. A cinquante-et-un ans, et fort de 189 milliards de Dollars dans son bas-de-laine, il a été adoubé Habitant le plus riche de la planète par l’agence de presse financière BLOOMBERG. Rejeton d’une famille, émigrée au XXe siècle d’Angleterre vers l’Afrique du Sud, où elle s’est constituée une confortable fortune, le jeune Elon ne peut pas vraiment prétendre qu’il est parti de rien et qu’il s’est fait tout seul.
Mais il a le chic de miser sur des activités industrielles nouvelles ou originales et – surtout – dont il est sûr qu’on parle : la voiture tout-électrique de haut de gamme, le tourisme spatial, le transport de personnes dans des capsules propulsées dans des tuyaux à plus de 1.000 kmh (pas vraiment mon truc après un repas).
En tout cas, on en parle, et ça marche : investisseurs professionnels et simples particuliers se pressent à sa porte, le suppliant de bien vouloir accepter leur argent.
Un peu comme Thomas EDISON il y a 150 ans, MUSK n’a rien inventé lui-même, mais beaucoup popularisé, à son profit, bien sûr.
Jusque-là, rien à dire, si ce n’est : Bravo, l’artiste !
A vous écouter, on dirait que vous ne paraissez cependant pas vouer à ce personnage une admiration sans bornes ?...
…précisément parce que l’on sent confusément que cet homme n’est que personnage. Comme la jeune militante écologiste suédoise, Greta THUNBERG, il explique qu’il souffre du syndrome d’ASPERGER, ce qui, dit-il, le conduit à se concentrer exagérément sur un nombre limité de priorités. C’est aussi un bouclier efficace contre toute critique dans une Amérique obsédée par la santé mentale.
Même Boris JOHNSON n’arrive pas à égaler la vie privée d’Elon MUSK : quatre femmes successives identifiées, au moins onze enfants, dont deux parmi les plus récents se prénomment respectivement X Æ A-12 et Exa Dark Sideræl.
Inutile de préciser que cet ensemble, soigneusement mis en scène par une batterie de communicants, assure une couverture ininterrompue dans la presse à grand tirage et un battage correspondant sur les réseaux sociaux.
Mais que vous lui reprochez-vous finalement, à ce M. MUSK ?
Deux choses, au fond : d’abord, on peut valablement se méfier de toute personne richissime qui a l’ambition de changer le monde selon ses propres critères. Évidemment, si on paie tout, on n’a pas besoin de demander aux gens de voter. Et Elon MUSK intervient volontiers dans la sphère politique et diplomatique, et souvent avec la maladresse du néophyte : ainsi a-t-il été salué comme un héros par les Ukrainiens, lorsqu’il leur a fait don d’émetteurs-récepteurs de son réseau satellitaire imbrouillable par les Russes, et, peu après, il a été vilipendé pour avoir voulu discrètement en refiler la facture au gouvernement américain.
Notre ami laisse entendre que les politiciens font des promesses électorales qu’ils savent ne pas pouvoir tenir, alors que lui, Elon MUSK, a les moyens de tenir les siennes. En disant cela, il affaiblit la représentation démocratique et rassure les régimes autoritaires et centralisateurs – ce n’était peut-être pas son intention, mais c’en est la conséquence.
Enfin, devenu propriétaire unique de TWITTER, qu’il prétend libérer de toute censure, il ouvre tout grand la porte aux appels au meurtre, à la délation, au complotisme, c’est-à-dire à la jungle et au non-droit, sous l’œil bienveillant de MOSCOU, de PÉKIN, de TÉHÉRAN et de quelques autres sympathiques chefs-lieux de l’ingérence destructrice chez le voisin.
Vous disiez que vous aviez deux réserves vis-à-vis d’Elon MUSK, alors, quelle est la seconde ?
C’est ce qui ressort de son rachat de TWITTER. Passe sur les longues semaines de j’y vais – j’y vais pas, auxquelles il a mis fin juste avant d’être traîné devant les tribunaux.
Il est d’ailleurs coutumier de ces faux-pas : on se souvient de son enthousiasme passager pour les cryptomonnaies qui, avait-il annoncé, pourraient servir pour acheter ses voitures TESLA. Devant le désastre financier qui se profilait déjà, marche arrière toute - et perte sèche pour tous ceux qui avait crû au Bitcoin, lequel avait progressé d’abord, pour s’effondrer après le retrait de MUSK, qui, lui, n’aura rien perdu, ayant été à la manœuvre d’un bout à l’autre de l’épisode.
Mais revenons au rachat de TWITTER : MUSK est parvenu, par simple courriel, à licencier plus de la moitié des salariés de cette entreprise, sans que cela paraisse émouvoir grand’monde aux États-Unis.
C’est tout simplement du grand art : le vedettariat personnel dont jouit Elon MUSK est tel, qu’il peut se permettre, d’un trait de plume, de bafouer la morale et le droit, sans encourir l’opprobre de l’opinion. MARX et ENGELS professaient que le capitalisme se réinventerait sans cesse – aujourd’hui, Elon MUSK en est le nom et la démonstration.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.